L’histoire qui va suivre n’est pas la plus marrante, mais n’est pas non plus terrible.
Je suis sur la route entre Bertoua et Yaoundé se dessine un nuage, qui devient progressivement un gros nuage puis un orage. La pluie commence légèrement, je décide de continuer. Puis les gouttes se font de plus en plus violente. Alors je m’arrête, j’en profite pour regarder ce que dit le radar météo. Il y a deux nuages, et si j’attends un peu je pourrais passer entre les deux. Ce que je fais, seulement, la pluie s’intensifie de nouveau. Je décide de poursuivre, mais j’avance dans la même direction que la pluie. Elle se fait encore plus violente. Je continue. Cela devient dangereux, je ne vois pas grand-chose, j’ai froid, la route se transforme en torrent. J’arrive dans une petite ville, je dois vite décider, je m’arrête à l’abri à l’entrée d’un hôtel.
En regardant de nouveau mon appli, je comprends, je suis au centre de la tempête. Il faut attendre. Trente minutes plus tard, je repars en me fiant encore à mon application. Une éclaircie se dessine et je devrais être en mesure de retrouver mes amis en camping-car au monastère de Febé avant la nuit. Je sèche sur la route et traverse Yaoundé au son des klaxons. Le trafic est dense mais pas problématique. La soirée avec mes amis se passe bien. La chambre où je dors à un balcon, nous sur une grande colline qui surplombe la ville. C’est beau et calme.
Le lendemain, je dis au revoir à mes amis, au programme de la journée, valider ma demande de procuration à l’ambassade de France (raison pour laquelle j’ai fait le détour). Puis vidange de la moto, je rencontre Amine, qui me vend son huile et m’aide à faire le changement. Tout va bien, j’en profite pour huiler mes câbles d’embrayages et d’accélération.
C’est à ce moment-là que j’ai lancé un “on va manger quelque part ? » Trente minutes plus tard, j’étais au marché au bœuf de l’autre côté de la ville. Puis Roger qui nous accompagné m’a invité au club Noah, un espace vert et magnifique au milieu de la ville. Les toilettes y sont assez confortables.
Ensuite, j’ai repris le cours de mon planning, course et passage à la pharmacie. Nous nous sommes séparés et je suis allé à la banque retirer de l’argent. Nous devions nous retrouver à la pizzeria vers 19h. En les attendant, j’ai été invité à boire un verre avec le patron. On a parlé voyage, business et avenir. Mes amis sont arrivés vers 20h45. Nous voulions partager une pizza, mais j’ai oublié un détail important : le porc. Du coup, j’ai à manger pour ce midi.
Au final, je suis rentré à 22h dans ma chambre pour dormir. J’ai acheté trop de choses à manger. Je n’ai toujours pas publié le prochain épisode sur YouTube. Il n’y a plus le petit camping-car sur le parking. Mais j’ai fait de belles rencontres. Ma moto est prête à passer l’équateur. Et je décide de rester une journée de plus pour me reposer et me préparer !
Malheureusement, juste après le partage de ces lignes sur mes réseaux. Quelqu’un m’a volé mon ordinateur, le chargeur et mon opinel. Le voleur, je l’ai vu, c’était un jeune qui semblait connaitre du monde ici et attendait sur le muret en écoutant la musique. J’avais laissé la porte ouverte et je préparé ma moto en haut d’un petit escalier.
Il a du profiter d’un moment d’inattention pour rentrer et faire ces affaires. Tout était en vrac dans ma chambre. Le balcon accessible pour sortir facilement. Il aurait aussi pu me voler mon passeport, mon argent, ma caméra et tout un tas de chose. Mais il a juste pris l’ordinateur et le pire, c’est que je ne m’en suis pas rendu compte aussi tôt. J’étais tellement absorbé dans la préparation de mes sacoches que j’ai remarqué très tard que mon ordi avait disparu.
Quand j’ai voulu me remettre à écrire, impossible de mettre la main sur mon ordinateur. J’ai l’habitude de le cacher. Mais généralement, je laisse le chargeur sur la prise, et il n’est plus là. C’est clair dans ma tête, je sors de la chambre. Et je pars voir le gérant des lieux. Les gens ici ne sont ni sympas ni méchants. Mais la première chose qu’il fait c’est m’engueuler parce que j’avais laissé la porte ouverte. Je ne l’écoute pas, puis petit à petit tout s’ébruite, les gens qui travaillent ici viennent. Le père Roger se rappelle avoir vu le gars. Ils vont essayer de retrouver le nom. Le lendemain, sur les conseils de mon ami, j’appelle l’ambassade. Le policier qui me répond est très rassurant. Il me demande d’abord si j’ai été agressé physiquement, si je vais bien.
Il dépose une main courante et m’informe que la consule devrait m’appeler d’ici une heure. Le coup de téléphone suivant ne donnera rien, ils n’ont aucun moyen de faire quoi que ce soit vu qu’il s’agit juste de matériel (et que j’ai toujours tous mes papiers).
Je reste toute la journée, désarmé, au monastère, j’attends le nom du voleur. Il faut que je mène l’enquète moi même. Le gérant ne me dévoilant rien. J’apprends que le jeune a aussi volé des choses à la chapelle.
La journée s’écoule sans beaucoup plus de réponse. L’ami de mon ami qui travaille dans la police ne m’appellera que le lendemain matin. Il ne voit pas trop ce qu’il peut faire pour m’aider.
Je n’ai pas perdu de données, en tous les cas pas des données importantes. Je fais régulièrement des sauvegardes et j’en avais fait une le matin même. Par contre, je vais perdre du temps, de l’énergie et de l’argent pour la suite.
Entre temps, j’ai demandé à Roger si je pouvais venir vivre quelques jours chez lui. Nous avions passé pas mal de temps ensemble et il aime rencontrer des voyageurs. Moi, j’ai besoin d’un espace au calme, où je ne sens pas la pression du temps.
Il a aussi de bonne connaissance en informatique. Il est Sénégalais, et dans son pays il vendait des motos et des ordinateurs. Il est ici à Yaoundé car sa femme a été muté pour son travail. L’appartement est très bien, mais je vais devoir apprendre à cohabiter avec un perroquet en liberté (dans l’appartement).
Nous avons passé trois jours dans les zones de marché noir au centre de la ville. Un calvaire, car les Camerounais, surtout ici, sont vraiment durs en affaire. Le deuxième jour, j’étais prêt à prendre un modèle, mais il avait été vendu entre temps. Du coup, il a fallu reprendre à zéro et de contact en contact, j’ai fini par trouver le modèle que je cherchais. C’est du neuf à l’africaine, donc le matin du troisième jour, toujours accompagné de Roger, il a fallu pas moins de 2h pour arriver à une entente sur le prix. L’ordinateur était indiqué comme neuf, mais avait des accros et une fêlure sur l’écran (juste le plastique). Bref, c’était un vrai calvaire. Je suis une personne sociale, mais j’ai un quota très bas. Et dans ces lieux, il y a vraiment beaucoup beaucoup de monde. Et durant ces trois jours, j’ai vraiment essayé de me dépasser.
Je remercie Roger mon ami sénégalais pour tout ce qu’il a fait. Je remercie aussi sa femme, qui, qui a accepté ma présence malgré les difficultés du moment.
Une fois trouvé, il a fallu tout réinstaller, et fort heureusement, il y avait internet à l’appartement. J’ai bien pris deux jours pour tout remettre en place (enfin presque tout). J’ai ressayé de voir avec la police. Mais là c’est encore plus tendu. En gros pour déposer plainte, il faut payer 1500 CFA. En théorie, car en pratique c’est plutôt 10 000 CFA. Ensuite si l’affaire avance et qu’elle nécessite une opération, il faut relâcher un billet (total pas loin de la réalité 50k cfa). Puis pour récupérer ledit objet, il faut aussi lâcher une somme variable selon l’objet (et en pratique, selon ma couleur de peau). Bref, même avec le nom du voleur, il ne pouvait pas faire grand-chose, à moins d’avoir de l’énergie, du temps et de l’argent à dépenser.
Voilà pourquoi je n’ai pas voulu avoir affaire à la police. Le monastère par contre, m’a indiqué avoir porté plainte, mais je n’ai plus de nouvelle depuis ce message. Pendant ces plusieurs jours à Yaoundé, j’ai pu observer comment tout se marchande et le fonctionnement de la police dans la ville. C’est assez malsain. Et en résumé, je ne souhaite pas graisser les pattes d’un système bien misérable à cause d’un jeune qui m’a volé quelque chose.
D’ailleurs, il faut savoir que le jour où j’ai acheté mon ordi. Pour accéder à la boutique, nous sommes passés dans une ruelle de terre en pente. Les légumes jonchés le sol. Et plusieurs hommes courraient une machette à la main. Je comprendrais plus tard, qu’il y avait une bagarre, juste là où nous sommes passés. J’ai dû m’arrêté deux fois pour les laisser passer, et c’est pas facile en pente, de s’arrêter sur un tas de légume.
Ensuite en sortant de la vente, l’ordinateur dans le sac. On croise le président d’un club de moto de Yaoundé. Il nous aide. Mais au détour d’une ruelle, je dois zigzaguer à travers les voitures en contresens et en voulant reprendre la bonne voie, je heurte une mobylette. Je fais tout pour que ce soit pas violent, nous restons tous sur nos motos. Quand je lève les yeux, je vois que c’est deux militaires. Je suis cuit… Ils m’insultent de tous les noms, pourtant tout le monde est toujours sur la moto. Je suis seul, je réagis calmement. Je sais qu’ils veulent juste de l’argent (et encore plus en voyant que je suis étranger). Mes amis motards reviennent et prennent les choses en main. Enfin il essaye, Roger de manière calme et diplomatique (en lâchant un billet). Et l’autre ami en gueulant qu’il n’y a aucune raison que je paye quelque chose. L’assurance est là pour cela. De plus en plus de monde s’agglutine, je laisse les choses se faire, je suis épuisé. Ca dure très longtemps pour rien. Je m’en sortirais grâce à Roger et un gros billet. La moto n’a rien. Je n’ai envie que d’une chose : quitter cette ville de fou !
Je ne vous raconte pas cette histoire pour vous dire que tous les Camerounais sont mauvais. J’en ai rencontré plein des sympas (cf. article précédent). Ils se font beaucoup plus rare dans les grandes ville. Et j’avoue qu’à cause de cette expérience, mon souvenir est bafoué par un certain nombre de personnes malsaines, principalement habité par le besoin d’argent pour avoir un truc à boire à la fin de la journée. Et même s’il n’est pas toujours bon de comparé, je dirais qu’au Sénégal, le marchandage est un art complexe, sauf que là-bas il se déroule avec sourire et blague. Ici au Cameroun, j’avais l’impression de couper les gens en morceaux, de les rendre encore plus misérable en négociant le prix vers le bas. Au point, que j’ai eu très peu de plaisir à finalement retrouver un nouvel outil de travail.
Je repartirais tranquillement direction la frontière. La route soigne. Mais je dois vous avouer que le passage de la frontière a terminé de me convaincre. Côté camerounais, le douanier qui a tamponné mes papiers de ma moto était bien bourré, le verre à la main. Un lundi matin comme les autres !