Cela fait cinq jours que je suis à Chipata. Une seule question me trotte dans la tête : par quel chemin rejoindre Cape Town ? Finalement, j’ai décidé d’opter pour la voie la plus courte afin de passer les fêtes de fin d’année à la plage. Le Malawi rencontre actuellement de grosses difficultés de ravitaillement en essence, et je n’ai pas envie de perdre du temps, de l’énergie, ni de l’argent aux frontières.
Je passe la frontière du Mozambique sans souci, direction Tété. En chemin, je bivouaque dans un endroit paradisiaque, totalement isolé : personne ne m’a vu. Le lendemain, j’arrive à Tété. Le camping est parfait : piscine, frigo, internet et sanitaires impeccables. Je fais la rencontre de Mélissa et Stéphano, qui m’invitent à partager leur repas du soir. Au menu : gros barbecue et vin rouge. Merci à eux !
Quatre jours plus tard, je suis toujours au même endroit. Mais ce matin, au réveil, une douleur à l’oreille me dérange, comme si elle était bouchée. Je me rappelle à Chipata, j’ai nettoyé mon oreille avec un coton-tige et je l’ai fait saigner. Ici à Tété, je me baigne sans arrêt depuis quatre jours. L’eau est traitée, mais pompée directement dans le Zambèze. Sans trop réfléchir, j’essaie de déboucher mon oreille avec de l’eau chaude. Cela semble fonctionner sur le moment. Je reprends la route le lendemain, mais au bivouac suivant, la douleur revient. J’essaie de calmer l’inflammation avec la seule huile que j’ai sous la main : de l’huile de coco. Insatisfait, je refais une tentative à l’eau chaude.
En arrivant à Chimoio, je décide d’arrêter de tripoter mon oreille. Le lendemain, un liquide jaunâtre s’en écoule. Direction la clinique : le verdict tombe rapidement, il s’agit d’une otite externe. Je repars avec des antibiotiques, des anti-inflammatoires et des gouttes auriculaires. Aujourd’hui, ça va un peu mieux, même si cette sensation d’oreille bouchée persiste. Je dois être prudent.
Mon corps est fatigué, mon esprit aussi. Même si ce sont des choses qui arrivent, je prends ce problème comme un signe. C’est pareil pour la moto : malgré tous les soins que je lui apporte, je sens que certaines pièces fatiguent. Il me manque des pièces de rechange, et celles que j’ai ne sont pas de bonne qualité. Mon pignon arrière est usé après seulement 8 000 kilomètres, et mon pneu arrière est déjà fichu. Il est temps d’arriver !
Aujourd’hui, nous sommes le 15 décembre 2024. Cela fait exactement 14 mois que je suis parti de chez moi. Je suis heureux. Je vis un voyage de rêve pour l’essentiel, mais parfois, c’est compliqué. Et en ce moment, ça l’est clairement.
Ici, au Mozambique, la population est en colère. La situation est tendue et imprévisible. Pendant ce temps, j’évalue les différents chemins qui s’offrent à moi.
Le plus sûr passe par le sud du Zimbabwe, un pays probablement magnifique mais très coûteux à visiter. Rien que le passage de la frontière coûte 80 dollars, peu importe la durée du séjour. La plupart des parcs sont interdits aux motos, et les campings coûtent environ 20 dollars la nuit, soit le double des tarifs habituels. Cependant, cette route me mènerait au nord de l’Afrique du Sud, près du parc national Kruger, où j’aimerais faire un dernier safari. Ce sera la haute saison, mais tant pis.
L’autre option passe par le Mozambique. Actuellement, le nord du pays est relativement sûr, mais le sud, autour de Maputo, est en feu. L’opposition au gouvernement conteste les résultats des dernières élections et fait entendre sa colère. Les manifestations ont déjà fait 110 morts. Demain, lundi, de nouvelles mesures et actions pourraient être annoncées. Tout est possible. La plupart des frontières avec l’Afrique du Sud sont fermées, Maputo est assiégée, et le pays est paralysé. Le réseau routier se limite principalement à la N1, qui longe la côte et mène à la capitale. À moto, je pourrais contourner les blocages, mais ces régions souffrent également de pénuries d’essence.
Pour l’instant, je n’ai aucune idée du chemin que je vais prendre. J’attends de me sentir mieux et d’obtenir de nouvelles informations. J’ai l’impression d’avoir fait le mauvais choix à Chipata, il y a 20 jours mais c’est des choses qui arrivent en voyage.
En attendant, j’écris ces lignes et termine les vidéos de Zambie.
Je suis fatigué, mais je suis toujours heureux. Je tiens debout. Je m’amuse, je mange et je vis avec le sourir au lèvre. Merci pour votre aide, particulièrement celle de mes parents et ma famille toujours à l’écoute, celle de Rodolphe, et celle de tous ceux qui partagent leurs ressentis avec moi !